Algerie: Comment Gaid Salah est devenu comédien avec son discours risible

Posted On 20 November 2019

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Opinion par Arezki Daoud: 20 November 2019 – Le régime algérien travaille d’arrache-pied pour montrer l’image d’un pays normal qui prépare une élection présidentielle normale. Malheureusement, la phase de préparation et la campagne électorale en cours sont pour le moins catastrophiques. Ils transforment toute l’affaire en une comédie. Ils montrent à quel point le gouvernement algérien est composé d’amateurs d’une incapacité absolu.

Pour ceux d’entre vous qui n’ont aucune idée de ce qui se passe en Algérie, voici un rappel bref: au début de cette année, le président Bouteflika, très handicapé, se préparait pour un cinquième mandat, après 20 ans au pouvoir. Les gens en avaient marre de Boutef, au pouvoir depuis 1999 et handicapé depuit 2013, et depuis lors, il a rarement été vu, ne pouvait jamais parler, ne pouvait jamais fonctionner. Profitant de la colère du peuple a l’announce d’un cinquieme mandat, lors des premiers rassemblements anti-Bouteflika le 22 février, une poignée de généraux algériens ont chassé le président, arrêté de nombreuses personnalités, dont son frère, tout cela au nom du peuple. Mais les généraux ont essentiellement fait un coup d’état et s’emploient depuis lors à reconstruire le même type de gouvernance, avec une poignée d’anciens ministres de l’epoque de Bouteflika pour reproduire le même système de corruption. Tout etant parrainé par la France et les Émirats arabes unis. Le problème est alors que les généraux ne s’attendaient pas à ce que le peuple insiste et persiste, demandant un changement plutot radical. Depuis le 22 février, le peuple est passé d’une demande d’éviction de Bouteflika, a exiger un changement complet du régime. Ainsi, pendant des mois, les rassemblements anti-régime ont eu lieu deux fois par semaine et se sont étendus à des événements quotidiens à l’approche des élections du 12 décembre. Il est clair que pratiquement tous les Algériens, à l’exception des agents payés par les services de renseignement, s’opposent à l’élection.

Le peuple algérien est donc essentiellement en ebulition mais utilise des moyens pacifiques pour se faire entendre et tout cela sans dirigeants. Cette situation a destabiliser la junte militaire. Sans violence, il est difficile de justifier l’utilisation de chars et d’armes contre des hommes, femmes et enfants pacifiques. Et comment pouvez-vous couper la tête du mouvement de protestation s’il n’a pas de dirigeants? Donc ce que la junte a decidé de faire, c’est ce que toutes les junte des années 70 et 80 ont fait, du Chili à l’Argentine, et même avant cela à l’époque de Franco. Il a lancé une contre-révolution pour briser les rassemblements populaires. Mais tous ses efforts, tactiques et initiatives ont échoué. Ils ont essayé de diviser les Algériens selon des critères ethniques, Amazighs contre Arabes: cela n’a pas fonctionné. Ils ont essayé de leur faire peur du risque du «terrorisme islamiste», cela n’a pas fonctionné non plus. Ils ont dit qu’un vide de pouvoir amènerait les troupes de l’OTAN à envahir l’Algérie, personne n’a crus a cette histoire. Et ce faisant, ils ont arrêté des centaines de personnes pour des accusations qui n’existent meme pas dans le code algérien et ont eu recours à deux tribunaux répressifs pour mener à bien leurs tâches. Dans le même temps, ils ont ordonné à la société de satellite française Eutelsat de fermer toutes les chaînes de télévision de l’opposition. Récemment, ils ont convaincu Facebook de fermer les pages de personnes critiques a l’égard le régime algérien. Et Facebook, de gré ou de force, a fini par fermer des milliers de pages de personnes qui n’ont poutant pas bafoué ses conditions d’utilisation.

Pour la junte militaire et ses partisans, en particulier la France et les Émirats arabes unis, la principal but est d’avoir une élection qui produira une certaine légitimité. Les membres du régime disent que même un taux de participation de 5% «est suffisant». Ils ont ramenné cinq hommes qui ont accepté de se présenter en tant que candidat, tous d’anciens ministres du régime désormais révolu de Bouteflika. Inutile de dire qu’ils n’ont rien fait pour apaiser la colère publique. Au contraire, les mesures que la junte militaire et ses experts à Paris et à Abou Dhabi ont tanté de mettre en place ont été totallement contre-productives et ont plutot produit l’effet inverse, ce qui a pour effet de galvaniser davantage le mouvement Hirak. C’est une situation sans espoir.

Après avoir limité l’accès à Internet et sanctionné les journalistes nationaux, le régime a tenté de créer des contre-manifestations afin de montrer au public national et à ses clients à l’étranger que tout va bien maintenant, merci baucoup! “Le public est en faveur des élections!” disent-ils. Le seul problème est que personne ne s’est présenté lors de ces rassemblements. Ils ont réussi à rassembler quelque dizaines de personnes lors de la plupart de ces rassemblements, principalement en menaçant les travailleurs des entités publiques de rejoindre ou de perdre leur emploi. Ils ont rassemblé des personnes âgées de villages isolés en leur promettant des terres et de l’argent. Ensuite, la réaction du public a été extraordinaire. À l’aide de téléphones portables, des membres du mouvement anti-régime ont filmé et fait honte aux rares participants à ces rassemblements pro-gouvernementaux. Depuis lors, ces rassemblements ont pratiquement disparu.

Dans la campagne en cours, aucun candidat ne peut prononcer un discours ou faire des meetings. Les manifestants algériens rejetent les élections et les populations locales sont hostiles à toute activité électorale dans leur ville. Les candidats ont été chassés et ridiculisés, dans ce qui est clairement la plus extraordinaire fausse élection jamais enregistrée dans l’histoire. Et cela se passe en direct alors qu’aucun journaliste international ne couvre cet evenement unique. C’est en effet unique dans l’histoire des medias.

Alors que le monde entier est temoin de l’action de cette population massive contre un régime incompétent toujours vivant que grace au soutient de Paris et Abou Dhabi, le chef de la junte militaire, le général Gaid Salah, a prononcé le discours probablement le plus ridicule au 12 nov. 2019, durant lequel il a encore une fois ose mentir à ses patrons. C’est parce que les Algériens connaissent toute l’histoire et que son discours s’adressera donc probablement aux observateurs hors d’Algérie. Voici ce qu’il a dit:

“Je tiens à affirmer, une fois encore, en cette honorable occasion, que nous enregistrons avec une grande admiration et fierté, cet élan populaire qui s’est propagé à travers tous le pays, lorsque toutes les franges de notre peuple, toutes catégories confondues, hommes, femmes, jeunes, étudiants et vieux, sont sorties dans une des plus belles images de la cohésion, la solidarité et l’adhésion du peuple autour de son Armée, scandant, d’une seule et même voix, des slogans patriotiques exprimant dans leur ensemble la volonté de se diriger massivement aux urnes le 12 décembre prochain, afin de faire réussir les présidentielles et contribuer par conséquent à édifier un avenir prometteur. Tel est le peuple algérien et telle est l’Algérie”. General Gaid Salah.

Les generaux Algeriens

Pourquoi les généraux algériens s’attachent-ils autant à empêcher la démocratie pour leur peuple? Ce n’est pas une question la plus facile a repondre, mais il y a au moins deux raisons potentielles qui se recoupent. La première est que les anciens généraux ne croient pas que l’Algérie peut survivre sans eux. Ils croient sincèrement qu’ils sont indispensables pour sauver l’Algérien contre une sorte de conspiration mondiale à la Syrienne. Ces hommes sont au pouvoir depuis 1962 et avec l’âge moyen de 78 ans, ils veulent continuer à contrôler le pays… tout simplement, jusqu’à leur mort, car c’est tout ce qu’ils savent. Ensuite, après leur mort, de nouveaux généraux viendront et poursuivront l’héritage de ce régims autocratiques.

Mais cela en soi ne peut pas expliquer pourquoi ils ont réussi à survivre à un tsunami de colère publique qui aurait renversé les régimes les plus durs du monde. L’explication ici est Paris et Abu Dhabi. La France ne veut pas voir l’émergence d’une nation concurrente dans ce qu’elle considère être son domaine naturel. Comme en Libye, au Mali, au Sahel en général et au Moyen-Orient, les faucons français tels que l’ancien ministre Laurent Fabius, le général Pugat et l’actuel

Gaid Dalah avec les sheiks du EAU

Gaid Dalah avec les sheiks du EAU

ministre des Affaires étrangères Yves Le Drian ont cette idée d’une France grandiose qui doit montrer sa force dans les anciennes colonies comme le faisaient les néo-conservateurs aux États-Unis il y a quelques années. La finalité de cette affaire n’est pas une cible unique. Il s’agit aussi de contrôler les richesses naturelle des nations que la France contrôle, de l’uranium et des minéraux du Sahel au pétrole et au gaz en Algérie. Pour y parvenir, la France a besoin de ses soldats d’infanterie, à savoir les généraux algériens, et la France dispose d’un support financier illimité des Émirats arabes unis, qui a deja poussé les peuples d’egypte, de libye, de syrie, du yemen, du sahel et autre dans un chaos inéxplicable. Les Emirats, avec leurs riches investissements, ont réussi à influencer tous ceux qui peuvent contribuer à contrecarrer les revendications du peuple algérien en faveur de la démocratie et de l’état de droit. Les entreprises de réseaux sociaux ont activement combattu les messages de l’opposition sous la pression d’Abou Dhabi. Les médias mondiaux ont fait une couverture minimale de la crise algérienne. En fait, Al-Jazeera et France24 ne couvrent plus sur ce qui se passe dans ce pays. En outre, il y a 195 pays et aucun gouvernement n’a publié de déclaration condamnant les violations des droits de l’homme en Algérie. Ils sont nombreux a le faire quotidiennement concernant l’Egypte, le Liban, Hong Kong, le Venezuela, etc., mais aucun gouvernement n’a eu le courage de se plaindre des emprisonnements de jeunes et moins jeunes pour des accusations qui n’existent même pas dans les lois du pays. Paris a demandé à la prétendue “communauté internationale” de se taire. Et cette communauté effectivement est muete.

Une Algérie démocratique ne plaît pas aux faucons français et aux cheiks des Emirats Arabes Unis. Ils feront tout ce qui est nécessaire pour semer le chaos, même si cela signifie une guerre civile en Algérie. Mais j’ai de mauvaises nouvelles pour eux car il est claire que les faucons français et les cheiks arabes sont confrontés a cette situation suivante: l’Algérie n’est pas la Libye. Vos efforts pour créer une crise interethnique ont échoué parce que les citoyens Algeriens comprennent les enjeux et ne se disputeront donc jamais entre eux selon des critères ethniques ou tribaux, comme cela est le cas en Libye et au Sahel. Les Algériens savent aussi que la menace islamiste n’existe pas. L’insurrection des années 1990 a fait complètement dispaitre la menace terroriste et toute tentative de parler d’un tel problème est vouée à l’échec. Vous pouvez effectivement maintenir votre élection forceé, quitte a obtenir un taux de participation de 5%, mais le bébé est un enfant mort-né. Avoir un Tebboune ou un Benflis comme prochain président imposé, cela ne réglera pas le problème et n’arrêtera pas les Algériens, utilisant des manifestations pacifiques, dans leur quête d’un gouvernement civil. Les manifestations continueront jusqu’à la chute du régime.

Le régime que vous soutenez est dirigé par des hommes qui ont dépassé l’âge de 80 ans. Le général Gaid Salah ne peut même pas monter un etage sans une armée de médecins pour le maintenir en vie. Le président par intérim, Bensalah, souffre d’un cancer et suit une chimiothérapie. Ses jours sont comptés. Combien de temps pensez-vous que ces hommes vont durer? Face à eux est une population dont plus de 50% ont moins de 30 ans. Ma dernière recommandation est donc que le plus tôt vous réduirez vos pertes, meilleurs seront vos intérêts à long terme dans le sud de la Méditerranée.

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